J.P Benoist, A. HUELLOU-BLANC - Avocats à la cour

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LA QUESTION DU SECOND PILIER

Position fluctuante de la Cour d'Appel de Chambéry

Position fluctuante de la Cour d'Appel de Chambéry

Une question lancinante se pose dans beaucoup de divorces dans lesquels soit l'un des conjoints soit même les deux occupent des emplois frontaliers avec la Suisse.

Il existe en Suisse une institution particulière pour les retraites. D'un côté et en résumé, les salariés cotisent à la retraite par répartition, au titre de l'AVS (assurance vieillesse et survivants). C'est ce que la loi suisse entend comme constituant le premier pilier . D'un autre côté il existe en Suisse un régime obligatoire de retraite par capitalisation : c'est le second pilier.

La question se pose souvent en matière de partage d'une communauté de savoir si la retraite capitalisée qui se présente comme une épargne doit ou non être incluse dans la communauté. Après avoir hésité, la solution actuelle est qu'il s'agit d'un bien propre.

 

La Cour de cassation avait décidé que :

( Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du 3 mars 2010 N° de pourvoi: 08-15832 )

« Vu les articles 1401 et 1404 du Code civil ; Attendu que pour qualifier l'indemnité de libre passage servie au titre du deuxième pilier du régime de prévoyance professionnelle obligatoire suisse d'actif de communauté au sens du droit français, l'arrêt énonce que l'affiliation à ce régime permet à l'assuré de se constituer une épargne par capitalisation et ouvre droit à des prestations qui ne couvrent pas le seul cas du départ à la retraite puisqu'il prévoit le versement d'un capital dans l'hypothèse d'une sortie du régime en dehors des cas de prévoyance ; Qu'en statuant ainsi, alors que les droits acquis au titre d'un régime de prévoyance professionnelle obligatoire, attribués en considération de la situation personnelle de leur titulaire, constituent des biens propres par nature et que seul le capital représentatif de la prestation de libre passage dont le versement est demandé avant la dissolution du régime constitue un substitut de rémunération et entre en communauté, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que son versement avait été demandé par le mari avant la dissolution du régime matrimonial, a violé les textes susvisés ; »

Ce qui pose le problème de la compatibilité de la jurisprudence de Chambéry avec celle de la Cour de cassation. La prestation libre passage consiste justement dans le cas où pendant le régime communautaire l'un des conjoints retire son second pilier.

C'est en ce sens que la Cour d'appel de Chambéry avait statué en ce même sens. (Cour d'appel Chambéry Chambre 3, 27 Mai 2013 N° 12/01744)

« Attendu que les sommes libérées au titre du second pilier de Mme S. sont entrées en communauté pour avoir été retirées au cours du mariage et avant sa dissolution, Que par conséquent la communauté devra rembourser les sommes qui pourront être réclamées par la Caisse de prévoyance en cas de vente du bien; Que les ex-époux sont désormais favorables à la vente du bien, des mandats ayant été signés et cette vente devant se concrétiser;»

 

Ce qui posait le principe que le second pilier suisse était soumis à un double régime :

- tant qu'il restait capitalisé dans une institution de prévoyance, il conservait le caractère de «propre» et son capital ne tombait pas dans l'escarcelle de la communauté,

- mais en revanche dès qu'il était pris avant la survenance de la retraite, par exemple lors d'un déblocage partiel ou total pour le financement d'une construction, alors il tombait dans la communauté.

Solution surprenante et incohérente qui manifeste peut-être une erronée de cette institution.

Mais on n'est jamais au bout des surprises.

La Cour d'appel de Chambéry dans un arrêt du 20 janvier 2015 adopte une position plus logique:

«Attendu que les droits acquis au titre d'un régime de prévoyance professionnelle obligatoire ( second pilier Suisse ) constituent des biens propres par nature, que l'apport de Mr. Elias B. prélevé sur ses avoirs de prévoyance obligatoire dépasse la simple contribution aux charges du mariage, que dès lors la communauté reste bien débitrice d'une récompense à l'égard du patrimoine propre de l'époux apporteur ; ».

Ce qui a notamment pour effet, lorsque le second pilier a été investi dans une maison en tout en partie, de lui faire suivre le régime des récompenses. Soit une solution beaucoup plus favorable au conjoint qui a investi par retrait de sa caisse, son second pilier dans un bien commun.

 

Partage du deuxième pilier selon la loi suisse (article 122 CCS) Modifications applicables en 2017

Dès le 1er janvier 2017, la loi suisse prévoit que les avoirs cumulés pendant la durée du mariage dans le cadre du deuxième pilier doivent être partagés lors de l'introduction de la procédure en divorce (122 CCS). Le partage se fait par moitié (123 CCS).

Le partage a pour finalité d'éviter qu’après un divorce, l’un des conjoints perdant le bénéfice du mariage, se trouve dans une situation de précarité au moment de la retraite. Le partage au moment l'introduction de la procédure en divorce permet au conjoint qui n’a pas ou peu cotisé durant le mariage, notamment parce qu’il s’est consacré à l’éducation des enfants, d’éviter qu’un divorce porte atteinte à son avenir au moment de la retraite. C'est une finalité équivalente à celle de la prestation compensatoire du droit français, mais qui obéit à une logique différente.

Si seul un des conjoints a cotisé, il devra partager, au moment de l'introduction de la procédure en divorce en Suisse (122 CCS), avec l’autre conjoint, ses avoirs correspondant à la prévoyance professionnelle épargnée pendant la durée du mariage jusqu'à l'introduction de la demande en divorce (123 CCS).

Un décompte des avoir épargnés pendant la durée du mariage doit être demandé aux caisses respectives, les montants seront partagés aux termes des articles 123 CCS, 124c CCS. Chacun disposera ainsi des mêmes droits.

 

Exceptions : (article 124b CCS).

- Exceptionnellement, les conjoints peuvent, par convention, s'écarter du partage par moitié des avoirs LPP (article 124b al. 1). Dans ce cas, il faut que le conjoint qui renonce puisse bénéficier d’une autre forme de prévoyance qui doive être considérée comme «adéquate» par le juge qui peut souverainement refuser la proposition si elle ne lui paraît pas assurer cette nécessaire prévoyance.

- Le juge peut également s'écarter de la notion de partage par moitié pour de justes motifs (124b, 124b al.2 CCS). Il peut même aller au-delà du partage par moitié dans certains cas (124b al.3 CCS).

Sous l'empire des anciennes règles lorsque pour l'un des conjoints ou pour les deux, un cas de prévoyance était déjà survenu (retraite, invalidité), les prestations accumulées pendant le mariage ne pouvaient plus être partagées. Depuis le 1er janvier 2017 la situation est changée.

- En cas de perception d'une rente invalidité avant l'âge de la retraite  (article 124 CSS), la loi prévoit le partage par moitié d'une prestation de sortie théorique qui sera calculée selon l'article 2 al. 1 LFP, calcul effectué parl'institution de prévoyance.

- Lorsqu'un conjoint percevait déjà une rente de vieillesse, le partage n'était plus possible sous l'ancien droit et l'autre conjoint avait droit à une indemnité équitable.

Les nouvelles dispositions de 2017, prévoient que ce sont les prestations de prévoyance, c'est-à-dire les rentes, qui seront partagées (124a CCS). La rente sera versée sous la forme d'une rente viagère (article 124a al. 2 CCS). Les modalités de partages sont décrites à l'article 124a al.1  CCS, en tenant compte des circonstances concrêtes. La méthode de conversion en rente est réglée par ordonnance 19h OLP et annexe.

Difficultés.

Dans certains cas il est difficile de partager ou le rééquilibrer les avoirs de prévoyance.

Par exemple lorsqu'un conjoint a retiré tout ou une partie de ses avoirs LPP afin de s’installer à titre d’indépendant, ou a investi partie ou totalité de ses avoirs LPP dans un logement.

En ces cas d'impossibilité de partager les avoirs accumulés selon le système suisse, il faudra déterminer comment l'autre conjoint pourra recevoir sa part sur les avoirs accumulés pendant le mariage. Une indemnité peut être fixée (124e CCS) soit sous la forme d'une rente soit sous la forme d'un capital.

maj ©Jean-Pierre Benoist 2000 – 2017, (Septidi, 27 Prairial, An CCXXV) 2770 Ab Urbe condita